1. Croissance
Sommaire
1.1 Théories de croissance
La croissance cranio-faciale est un élément majeur en orthopédie dento-faciale.
Connaître les théories de croissance permet à l'orthodontiste de faire le meilleur diagnostic et le meilleur pronostic possible de la malocclusion de son patient, que ce dernier soit un adulte ou un enfant.
On ne connait pas encore parfaitement tous les mécanismes de la croissance cranio-faciale mais les théories existantes fournissent au praticien un socle de connaissances exhaustives qui lui permet d'appréhender avec assurance un patient, dans son ensemble, dès le premier rendez-vous de consultation et tout au long d'un traitement.
Connaître les différentes théories permet également au clinicien de détecter et d'anticiper les signes d'alertes d'une croissance défavorable et d'adapter en conséquence son plan de traitement et les appareillages de son patient.
Il existe quatre approches au niveau des théories de croissance : chaque approche apporte sa pierre pour expliquer la croissance cranio-faciale.
1. Approche génétique
1.1. BROADENT - BRODIE (1940)
Concept : l'expansion rayonnée de la face (image du ballon de baudruche qu'on gonfle)
1. Déplacement des points en ligne droite à partir d'un centre qui se situe au niveau du corps du sphénoïde,
2. La direction de croissance se fait selon l'axe Y, en bas et en avant,
3. Composante verticale plus importante pour les points situés plus bas,
4. Il y a une homothétie de la croissance faciale.
BRODIE :
1. La tête est formée d'un complexe de parties indépendantes jointes par des sutûres; le schéma facial est le fruit du hasard mais certains facteurs jouent un rôle de compensation entre les différentes régions de sorte que l'on ne sorte pas du schéma humain,
2. Les dents et les procès alvéolairesconstituent les seules zones où on peut induire des modifications.
1.2. WEINMANN - SICHER (1955)
Concept : les sutûres sont des sites de croissance primaire; ce sont des centres autonomes de croissance et un élément moteur de la croissance faciale.
1. La croissance se fait par prolifération interstitielle qui exerce une pression sur les berges de la sutûre et sépare les os voisins,
2. La régulation de la croissance suturale est contrôlée par des facteurs génétiques intrinsèques et la donne génétique permet à chaque constituant craniofacial d'avoir une croissance en harmonie génétique avec leurs voisins,
3. Les différents tissus ostéogènes (cartilages, synchondroses, syndesmoses, périoste) ont la même importance et le même mécanisme de contrôle; il n'existe pas de dépendance hiérarchique d'un tissu vis à vis de l'autre.
1.3. LATHAM
1. La croissance du maxillaire se fait en bas et en avant du fait d'une force expansive d'origine inconnue fournie par les tissus mous du contenu de l'orbite et de la fosse ptérygo-maxillaire,
2. Les syndesmoses (ou sutûres) périmaxillaires n'ont aucun rôle moteur; elles ont un rôle uniquement de plan de glissement.
1.4. TWEED
Concept : certains angles sont applicables à tous les individus
Exemples :1. Angle de TWEED (= angle FMA) compris entre 26-28°
2. Angle I/plan de FRANCFORT= 107°
3. Angle IMPA = 90°
TWEED définit 3 types de croissance :
1. Type A : on a une classe I d'Angle et un angle ANB inférieur à 4°; le pronostic est bon.
2. Type B : l'étage moyen de la face croit plus vite que l'étage inférieur, pronostic bon si l'angle ANB est compris entre 4° et 5° (si ANB est supérieur à 5°, évolution vers la classe II squelettique avec un profil convexe et traitement chirugical possible
3. Type C : l'étage inférieur de la face se déplace plus vite en bas et en avant par rapport à l'étage moyen; l'angle ANB est inférieure à 0°; on a une classe III squelettique et un profil concave.
2. Approche fonctionnelle
2.1. MOSS (1968)
Concept : la matrice grandit et le squelette répond
De nombreuses fonctions s'exercent au niveau de la tête et du cou : olfactio, vision, ouïe, parole, respiration, déglutition...
Chaque fonction est assurée par une composante cranio-fonctionnelle constituée des deux éléments suivants :
1. Une matrice fonctionnelle
2. Une unité squelettique
2.1.1. Les matrices fonctionnelles
Une matrice fonctionnelle est constituée de tous les tissus mous et les espaces fonctionnels (espace buccal, fosses nasales) nécessaires pour accomplir une fonction donnée.
Il exite deux types de matrices fonctionnelles :
1. Périostées
Elles agissent directement sur les unités squelettiques par remodelage (exemple : les muscles) et sont responsables de la transformation de la taille et de la forme de l'unité squelettique. Les matrices fonctionnelles périostées ont donc un rôle actif dans la croissance. Elles participent au déplacement primaire des structures décrit par ENLOW.
2. Capsulaires
Elles sont constituées des espaces fonctionnels qui s'accroissent en volume et elles sont impliquées dans les mécanismes de croissance passive; les matrices fonctionnelles capsulaires entrainent un déplacement des unitées squelettiques.
2.1.2. Les unités squelettiques
Elles ne correspondent pas aux descriptions anatomiques classiques.
Une unité squelettique est composée de toutes les parties du squelette qui se rapportent à une fonction donnée et qui sont nécessaires au soutien des matrices fonctionnelles.
Chaque os est divisé en unités squelettiques associées aux matrices fonctionnelles.
Exemples : la mandibule est divisée en 5 unités squelettiques :
1. Les dents et l'os alvéolaire : en l'absence de sollicitations fonctionnelles, l'os alvéolaire n'existe pas,
2. Le coroné : il est lié à l'existence du muscle temporal,
3. L'angle mandibulaire dépend des fonctions ptérygoïdiennes et massétérines,
4. Le condyle est lié au muscle ptérygoïdien externe,
5. L'os basal mandibulaire est quant à lui lié au complexe neuro-musculo-vasculaire mandibulaire.
2.1.3. La matrice grandit et le squelette répond
Les matrices fonctionnelles ont uene croissance antérieure à celle des unitées squelettiques : elles sont l'élément moteur de la croissance des unités squelettiques.
La croissance des unités squelettiques est un phénomène secondaire, compensatoire et obligatoire à la croissance des matrices fonctionnelles.
Exemple : la croissance des cavités orale, nasales et pharyngée transporte la mandibule en bas et en avant; ce mouvement de lamandibule disjoint l'articulation temporo-mandibulaire, qui répond secondairement, obligatoirement et d'une manière compensatoire par la prolifération cartilagineuse condylienne.
La régulation de la croissance est due à des interrelations entre les causes intrinsèques (c'est à dire génomiques) et extrinsèques (représentées par les fonctions, les neurones).
Les os ne croissent pas, on les fait croître : l'information génétique donne les consignes qui s'exprimenten fonction de l'environnement; les gènes n'agissent pas, ils réagissent.
Pour MOSS, il n'y a pas de différences entre sutûres et cartilages : le septum nasal ne joue donc aucun rôle dans la croissance du maxillaire; Le septum nasal et les maxillaires sont des sites de croissances secondaires aux matrices fonctionnelles.
2.2. SCOTT (1953)
Concept : fait la distinction entre cartilage et sutûre
Sa théorie est basée sur une pensée et des observaions cliniques , et non sur une expérimentation de laboratoire (voir 2.2.3. PETROVIC).
2.2.1. Le cartilage
Le cartilage a un rôle primaire, un rôle moteur dans la croissance du squelette cranio-facial.
Un cartilage est un "centre" de croissance capable de séparer les pièces osseuses adjacentes.
Les cartilages qui participent à la croissance cranio-faciale sont :
1. Les synchondroses de la base du crâne,
2. Le septum nasal
3. Les cartilages condyliens
4 Les apophyses coronoïdes
5. Le cartilage de la suture palatine
2.2.2. Les sutûres (ou syndesmoses)
Les sutûres ont un rôle secondaire, un rôle compensateur : la croissance des cartilages entrainent la séparation des pièces osseuses; les sutûres comblent l'espace ainsi créé.Les sutûres correspondent aux "joint de rattrapage" de DELAIRE.
2.2.3. Déroulement de la croissance cranio-faciale pour SCOTT
1. Jusque 2-3 ans
La croissance se fait principalement grâce aux synchondroses de la base du crâne qui sont actives : synchondroses ethmoïdo-sphnédoïdale et intrasphénoïdale jusqu'à 6 mois, sphéno-occipitale et occipitale postérieure).
Transversalement, on a une ossification progressive de la lame criblée entre le corps et les ailes du sphénoïde.
2. Entre 2.5-7 ans
On a surtout une activité du septum nasal.
3. Après 7 ans
On a essentiellement un remodelage osseux.
2.3. KOSKI
Ses idées ont évolué au cours du temps
1965 : KOSKI se rapproche des idées de MOSS : la matrice fonctionnelle est l'élément moteur de la croissance,
1969 : KOSKI se rapproche des idées de SCOTT : les cartilages sont des "centres" de croissance et les syndesmoses sont des "sites" de croissance,
1973 : le crâne est formé d'un complexe de parties dépendantes les unes des autres,
1976 : KOSKI se rapproche de PETROVIC au niveau de la singularité du cartilage condylien par rapport au cartilage primaire.
2.4. PETROVIC (1974)
La théorie de PETROVIC est basée sur des expériences de laboratoire faites sur des rats.
2.4.1. Théorie du "servo-système" de la croissance faciale
Principe : les adaptations structurales régionales sont destinées à l'établissement et au maintien d'une occlusion efficace.
L'arcade supérieure est la grandeur à suivre.
Sa position sagittale dépend de :
1. la croissance antéro-postérieure du maxillaire; cette croissance est sous l'action de l'hormone STH-somatomédine,
2. le cartilage nasal,
3. les synchondroses de la base du crâne,
4. la langue.
La position sagittale de l'arcade inférieure est la grandeur à réguler.
Les adaptations se font grâce à deux "comparateurs" :
Le comparateur périphérique du servo-système :
Ce comparateur est constitué par l'articulation entre les 2 arcades.
Quelque soit la classe occlusale, l'intercuspidation complète est un état stable.
Mais en l'absence d'intercuspidation complète, il apparait un "signal d'écart" dans le comparateur périphérique : cela provoque :
a/ Une augmentation de l'activité du muscle ptérygoïdien externe (et des autres masticateurs) pour ajuster l'occlusion dans une position optimale ou suboptimale,
b/ Une augmentation de l'activité du frein rétro-méniscal,
c/ Avec le temps, une augmentation de la croissance condylienne.
Le comparateur central :
Ce comparateur est situé au niveau du système nerveux central (SNC) et détecte et corrige les écarts d'occlusion.
2.4.2. Modèle "cybernétique" du contrôle de la croissance du cartlage condylien
2.4.2.1. Caractéristiques du cartilage condylien
PETROVIC distingue 2 types de cartilages.
Cartilage primaire (cartilages épiphysaires, du septum nasal, de la base du crâne) dont la croissance dépend de la division des chondroblastes différenciés.
Le cartilage primaire est sous le contrôle de facteurs généraux (hormones de croissance, hormones sexuelles, thyroxine...).
Cartilage secondaire (cartilages condyliens, coronoïdiens, suture palatine médiane) dont la croissance dépend de la division des préchondroblastes.
Les cartilages secondaires sont sous le contrôle des facteurs locaux (muscles) et régionaux. Les facteurs locaux modulent la direction de croissance des cartilages primaires.
2.4.2.2. Croissance du cartilage condylien
1. L'hyperpropulsion mandibulaire entraîne une augmentation de la division cellulaire dans le cartilage condylien (mais aussi dans les crtilages coronoïdiens et angulaires).
2. Hyperpropulsion + STH entraine une croissance du condyle.
L'oeil du praticien : si l'avancée mandibulaire est excessive, on a un surétirement du frein rétroméniscal; ce surétirement provoque un arrêt de la circulation sanguine et lymphatique et un arrêt de la croissance du condyle.
Ce phénomène est capitale dans le réglage des activateurs : il ne faut pas faire trop propulser la mandibule pour avoir une croissance de la mandibule : règle des 2/3 (si on a une propulsion de 10 mm, il faut régler l'activateur entre 6 et 7 mm)
3. La longueur finale de la mandibule n'est pas génétiquement déterminée (c'est la réponse des tissus mandibulaires aux facteurs de stimulation de croissance qui est génétiquement déterminée).
4. La croissance mandibulaire dépend de l'activité périostée et de la croissance cartilagineuse (condyles, coronées, angles).
5. Le muscle ptérygoïdien externe et le ligament rétroméniscal jouent un rôle capital dans la croissance du condyle; leur réssection n'arrête pas la croissance condylienne mais la diminue.
6. La langue joue aussi un rôle sur la croissance condylienne : une langue volumineuse entrainera une augmentation de l'activité du ptérygoïdien externe et donc une antéposition mandibulaire.
2.5. COULY (1980)
La base du crâne confère à la :
1. TETE la forme héréditaire brachy ou dolichofaciale,
2. FACE : le profil naso-maxillaire et la largeur transversale.
La croissance cranio-faciale dépend de " conformateurs organo-fonctionnels" qui sont :
1. Contour orbitaire,
2. Cerveau (responsable de la croissance de la voute cranienne),
3. Cartilages de la base du crâne (synchondroses),
4. Langue (responsable de la conformation de la voute palatine et des rapports antéro-postérieurs maxillo-mandibulaires),
5. Muscles masticateurs, peuciers et des lèvres,
6. Flux aérien.
2.6 DESHAYES (1993)
La flexion de la base du crâne a un rôle majeur dans la croissance cranio-faciale et donc dans les rapports des arcades dentaires entre elles.
3. Approche synthétique
VAN LIMBORGH (1970 et 1983) reconnait aux théories génétique et fonctionnelle des parcelles de vérité à chacune.
Les facteurs responsables de la croissance cranio-faciales sont :
3.1. Facteurs génétiques intrinsèques
Les gènes expriment leurs actions dans la cellules et régulent directement le devenir de la cellule.
Exemples :
1. Une cellule se différenciera en chondroblaste si elle a les facteurs génétiques intrinsèques pour le faire.
2. Il y a dans le génome des gènes architectes différents :
- de polarité (déterminent la position avant/arrière, dorsale/ventrale),
- de segmentation (déterminent les grandes régions anatomiques : thorax, tête, bras ...),
- homéotiques (déterminent la place des organes les uns par rapport aux autres).
3.2. Facteurs épigénétiques
Ils sont représentés par les gènes qui exercent leur action en dehors des cellules où ils se trouvent, sur des cellules spécifiques.
On distingue les facteurs épigénétiques :
3.2.1. Locaux
Ils ont une action locale.
Exemple : des protéines du 1er arc branchial vont induire la différenciation du cartilage de MECKEL.
3.2.2. Généraux
Ils ont une action à distance.
Exemple : les hormones véhiculées par le sang.
3.3. Facteurs environnementaux
Ils ont leur origine dans l'environnement externe.
3.3.1. Locaux
Ils ont une influence locale.
Exemples : les ligaments, les muscles, les tissus mous, les dents, les espaces fonctionnels.
3.3.2. Généraux
Ils ont une action par la voie générale.
Exemples :
1. La vascularisation : apporte les métabolites et l'oxygène aux tissus.
2. L'innervation : action à distance par l'intermédiaire des facteurs de croissance.
3.4. Autres caractéristiques de la théorie de VAN LIMBORGH
A chaque étape de la croissance cranio-faciale, les différents facteurs vont intervenir plus ou moins.
VAN LIMBORGH décrit 5 étapes de la croissance cranio-faciale :
1. Croissance du mésenchyme,
2. Condensation du mésenchyme,
3. Différenciation du crâne,
4. Croissance chondrocranienne (base du crâne),
5. Croissance du desmocranienne.
Contrairement à MOSS qui limite l'influence génétique à la différenciation de production du matériel squelettique (os ou cartilage), VAN LIMBORGH étend cette influence génétique à la position et à la quantité des os (par l'intermédiaire des gènes architectes).
Les cartilages primaires de la base du crâne sont génétiquement déterminés mais leurs positions et formes sont dépendantes de facteurs épigénétiques.
L'oeil du praticien : il existe des conception thérapeutiques différentes car certains cliniciens pensent ne pouvoir agir que sur le système dento-alvéolaire (exemple TWEED qui fait partie des "mécanistes) alors que d'autres pensent également pouvoir agir sur la croissance faciale (traitements fonctionnels de LAUTROU, PLANAS, DELAIRE).
4. Approche descriptive
4.1. BJORK (1955)
BJORK a étudié la croissance cranio-faciale en faisant des superpositions :
1. Sur la partie antérieure de la base du crâne :
Son travail a permis la visualisation des déplacements des bases osseuses par rapport à la base du crâne.
Pour BJORK, la partie antérieure de la base du crâne ne croît plus après 8-10 ans alors que les autres fosses cranio-faciales se développent encore à l'adolescence et à l'âge adulte en s'allongeant et s'abaissant.
2. Sur implants
BJORK a permis de montrer les changement de la forme de la base du crâne.
La croissance dépend de facteurs :
1. Génétiques essentiellement; cela explique la similitude des jumeaux monozygotes, les particularités ethniques et les ressemblances familiales,
2. Epigénétiques de VAN LIMBORGH
Ces facteurs ont une action sur l'angle de la base du crâne.
Exemple : la diminution de la taille du cerveau et les sutures défectueuses dans l'oxycéphalie entraînent un aplatissement de l'angle de la base du crâne.
BJORK a ainsi démontré les phénomènes de croissance suivants au niveau du maxillaire et de la mandibule :
4.1.1. Le maxillaire
4.1.1.1. Croissance en longueur
Elle se fait par :
1. la sutûre maxillo-palatine,
2. Apposition rétrotubérositaire.
Le déplacement du maxillaire est oblique et on a une mésialisation de l'arcade sur sa base.
4.1.1.2. Croissance en hauteur (verticale)
Elle se fait par :
1. Les sutures fronto-maxillaires, maxillo-zygomatiques et ptérygo-palatine,
2. Apposition de l'os alvéolaire,
3. REMODELAGE osseux : on a une résorption du plancher nasal et une apposition au niveau du palais.
Le niveau de l'orbite se maintient : on a une apposition supérieure et une résorption inférieure.
Si la croissance suturale est en difficulté, le remodelage peut prendre le relais : mécanisme "compensatoire".
4.1.1.3. Croissance en largeur
. Au niveau de la sutûre médiane :
1. L'activité se poursuit au delà de la puberté, jusqu'à l'achèvement des autres sutûres,
2. Il y a une plus grande activité a niveau postérieur.. Par remodelage osseux.
4.1.1.4. Rotation du maxillaire
Elle est généralement antérieure.
La croissance faciale est plus forte en arrière qu'en avant.
La rotation du maxillaire est moins importante qu'à la mandibule.
La croissance des sutûres maxillaires serait guidée par la croissance mandibulaire (comme PETROVIC).
4.1.1.5. Trajectoire de croissance du maxillaire
Le déplacement du maxillaire se fait de façon courbe et non linéaire : cette direction de croissance est plutôt :
1. Sagittale : en période juvénile,
2. Verticale : à l'adolescence et cesse vers 17 ans.
4.1.2. La mandibule
4.1.2.1. Croissance en longueur
Elle se fait au niveau du :
1. Condyle,
2. Branche montante : par apposition postérieure et résorption antérieure.
Cela explique que les dents de sagesses ont parfois la place de sortir en fin d'adolescence,
On a un remodelage compensatoire, par fonction musculaire, au niveau du ramus qui maintient stable son bord postérieuret sa position par rapport à la colonne cervicale et aux muscles cervicaux,
3. Symphyse : par apposition sur la face postérieure.
4.1.2.2. Croissance en hauteur
Elle se fait au niveau de :
1. Condyle
Cette croissance est en moyenne de 3.3 mm par an en période juvénile, 1.5 mm/an en période prépubertaire et 5.5 mm/an en période pubertaire.
Cette croissance s'arrête ente 18 et 23 ans.
2. Apposition des procès alvéolaires
3. Au niveau du bord inférieur : par remodelage périosté selon la direction de croissance des condyles.
4.1.2.3. Rotation de la mandibule
La croissance condylienne est déterminée génétiquement mais sujette aux influences de l'environnement.
La direction de croissance du condyle occasionne presque toujours une rotation mandibulaire.
BJORK distingue :
1. Rotation antérieure
Elle est due à la croissance verticale du condyle : la hauteur faciale postérieure augmente plus que l'antérieure et l'angle mandibulaire se ferme.
Il y a une apposition osseuse :
- antérieure au niveau du bord inférieure de la symphyse,
- inférieure au niveau du bord postérieur du ramus.
On a une migration antérieure de la denture sur l'os basal et une vestibulisation des inciisves mandibulaires.
BJORK décrit 3 types de rotations antérieures selon l'endroit du centre de rotation :
- Type I : rotation au niveau du condyle,
- Type II : rotation au niveau du bord libre des incisives mandibulaires,
- Type III : rotation au niveau des prémolaires mandibulaires.
2. Rotation postérieure (moins fréquente)
Elle est due à une croissance du condyle en arrière.
On a une ouverture de l'angle mandibulaire et une éruption dentaire dirigée vers l'arrière.
BJORK décrit 2 types de rotations postérieure selon l'endroit du centre de rotation :
- Type I : au niveau des ATM
- Type II : centre de rotation au niveau de la molaire la plus distale : on a un double menton caractéristique : le menton glisse sous la face.
3. Rotation totale
C'est la rotation du corps mandibulaire.
4. Rotation matricielle
C'est la rotation des tissus mous environnant la mandibule
5. Rotation intramatricielle
C'est la différence entre les deux rotations précédents c'est à dire la rotation di corps dans la matrice.
4.1.3. Apports de BJORK à la croissance
1. Destruction du mythe de l'expansion rayonnée,
2. Rotations maxillaires et mandibulaires,
3. Action combinée des sutûres et remodelage,
4. Action combinée des facteurs génétiques et fonctionnels.
4.2. DELAIRE
4.2.1. Ce que DELAIRE rejette
1. L'étude de la croissance faciale de façon globale (comme BJORK le fait) car pour lui :
- chaque os dépend de la croisssance des os adjacents,
- selon le référentiel considéré, on a des directions de croissance différentes.
2. Le "facial pattern" qui est l'idée que le schéma facial est fixé génétiquement, car DELAIRE a observé que les phénomènes locaux peuvent modifier les sites de croissance de la face par rapport au crâne et entrainer des processus d'adaptation ou de compensation.
4.2.2. Sa théorie
Il y a une dépendance plutôt génétique des structures cartilagineuses primaires (et un peu secondaires).
Il y a une dépendance plutôt fonctionnelle des structures membraneuses.
Au niveau de la face, la croissance des os dépend des déplacements et des influences que ces os subissent.
Le déplacement d'un point de la face dépendra de :
1. Sutûres,
2. Système périmaxillaire,
3. Système cranio-facial.
La croissance de chaque os de la face dépend de :
1. son accroissement propre,
2. son accroissement par rapport aux autres os,
3. son accroissement par rapport à la base du crâne ou à un autre repère.
Ainsi le développement de la face est multicentrique.
4.2.3. Notion de "champ cranio-facial"
Le champ cranio-facial est constitué de la base antérieure du crâne (qui est sous contrôle quasi exclusif de la génétique), à partir de laquelle la face se batira.
Le champ cranio-facial est divisé en :
1. Champ maxillaire, auquel est appendu à sa partie antérieure le maxillaire,
2. Champ mandibulaire, auquel est appendu à sa partie postérieure la mandibule,
3. Trois piliers verticaux de soutènement du massif facial :
- pilier antérieur = branche montante maxillaire,
- pilier moyen = apophyse ptérygoïde,
- pilier postérieur = bord postérieur du ramus.
La croissance du massif facial est harmonieuse si :1. Le rapport de taille entre les champs est harmonieux; dans le cas contraire on a des dysmorphoses faciales héréditaires,
2. Les piliers s'accordent en longueur et en direction.
L'oeil du praticien : l'analyse architecturale de DELAIRE permet d'objectiver ces différents points.
Les structures maxillaires et mandibulaires sont appendues aux piliers.
Ces structures :
1. Peuvent être de dimensions variables et prendre des orientations diverses entre elles et par rapport aux piliers,
2. Sont sous la dépendance des fonctions et des traitements orthopédiques.
Les structures alvéolo-dentaires, supportées par les maxillaires maxillaires et mandibulaires, sont également sous la dépendance des fonctions.
La croissance s'dapte à la prédétermination génétique et à l'influence de l'environnement.
4.2.4. Croissance du maxillaire
1. Dans sa partie antérieure
Le maxillaire subit la poussée en avant de la base du crâne (sur laquelle on ne peut pas agir)
2. Partie moyenne
Cette croissance est influencée par :
- la poussée cartilagineuse du septum nasal,
- les actions mécaniques des contenus orbitaires, ptérygo-maxillaires, la langue, les joues, les lèvres...
3. Partie postérieure
Le maxillaire se cale sur les apophyses ptérygoïdes qui sont sensibles à l'actions des muscles ptérygoïdiens du fait de leur origine membraneuse.
Le clinicien pourra avoir une action à ce niveau (principe du masque de DELAIRE).
Une croissance adaptative aura lieu par sollicitation de la suture maxillo-palatine.
Les sutûres sont des "joints de dilatation à rattrapage automatique".
La croissance suturale est subordonnée aux déplacements osseux.
A l'âge orthodontique, les sutûres sont synostosées (différent de PETROVIC).
4.2.5. Croissance de la mandibule
Sa croissance dépend (idées proches de celles de VAN LIMBORGH) :
1. Léger potentiel génétique du cartilage condylien,
2. Capacités adaptatives de croissance en répnse à l'environnement au niveau de 2 sites de croissance :
- le condyle,
- l'épine de SPIX : où s'insère le ligament stylo-mandibulaire, vestige du cartilage de MECKEL
4.3. COBEN (1971)
Pour cet auteur, il n'existe pas de point fixe à partir duquel se fait la croissance (pas de croissance rayonnante).
4.3.1. Deux" vecteurs de croissance"
COBEN assimile la tête à un ensemble de deux os :
- os cranio-maxillaire : supporte les dents supérieures,
- mandibule.
Les dents maxillaires sont portées en haut et en avant par la croissance de la partie postérieure de la base du crâne (synchondrose sphéno-occipaitale active jusqu'à la puberté).
Les dents mandibulaires sont portées en bas et en avant par la croissance de la mandibule (croissance condylienne).
Ces deux phénomènes expliquent l'augmentation de la hauteur et de la profondeur de la face.
4.3.2. Deux phases de développement
1. Avant 7 ans
On a un schéma de croissance proportionné (voir BRODIE)
Pas de changement du profil
2. Après 7 ans
On a une croissance des synchondroses (sphéno-occipitales, sphéno-ethmoïdales et périmaxillaires) qui entrainent l'augmentation de la hauteur et de la profondeur de la face.
Pendant la puberté, on a une accélération de la croissance.
La direction et le taux de croissance de la sutûre sphéno-occipitale varient pendant toute la croissance; ceci explique que le schéma facial qui résulte varie pour chaque individu.
Après la puberté, cette sutûre est fermée et le visage est mature.
4.4. ENLOW (1969)
5 concepts :
4.4.1. Croissance primaire et croissance secondaire
1. Croissance primaire
C'est la croissance de l'os lui-même : taille et forme.
2. Croissance secondaire
C'est le déplacement d'un os dû à l'accoissement des os voisins.
3. Importance du remodelage dans la croissance faciale
ENLOW parle de "champs de remodelage" : chaque os est composé d'une mosaïque de champs de remodelage.
4. La croissance des tissus mous
Cette croissance est responsable de la séparaiondes surfaces de contact des sutûres et stimule en même temps une apposition-résorption de la surface des os (comme MOSS).
5. Les "sites de croissance"
Pour ENLOW, les sites n'ont pas le mêm tax d'activité ni le même rythme.
Pour ENLOW, la croissance du massif facial, qui s'éloigne de la base du crâne, vers le bas , l'avant et le dehors est due aux sutûres faciales :
1. Vers le bas : sutûres fronto-zygomatiques, maxillo-zygomatiques et fronto-maxillaires,
2. Vers l'avant : sutûres zygomato-temporales,
3. Vers le dehors : sutûres maxillo-zygomatiques.
4.4.2. Concept d'équivalence : les "contreparties"
Principe : 2 régions (de la face ou une du crâne) sont liées entre elles pour ce qui est de leur croissance.
Exemple :
La partie antérieure de la base du crâne est liée au complexe maxillaire.
Ces deux régions sont "équivalentes" : le déplacement antéro-postérieur du maxillaire est en partie dû à l'élongation de lapartie antérieure de la base du crâne.
Le plan ptérygo-maxillaire traverse la fente ptérygo-maxillaire et longe la face postérieure de la tubérosité maxillaire. Ce plan sépare les contreparties an avant et en arrière de lui. Il est constant au cors de la croissance du crâne et de la face.
4.4.3. Concept de "dimensions effectives"
ENLOW ne parle pas automatiquement d'os isolés, mais plutôt d'entités osseuses ou de régions osseuses.
4.4.4. Concept de "balance associée"
La croissance d'une zone agit sur une autre région; voir les contreparties dont la croissance est interdépendante.
Ainsi, le squelette n'est pas composé de parties indépendantes entre elles; au contraire, il existe un processus de coordination de croissance (ou "balance associée") qui maintien un équilibre entre la croissance des différentes régions; LAUTROU appelle cela le "principe de réciprocité".
4.4.5. Concept "d'équilibre" de la forme et de la croissance
La croissance cranio-faciale est sous la dépendance de deux équilibres (ou "balance" en anglais) :
1. "Equilibre de forme" : aspect statique,
2. "Equilibre de croissance" : aspect dynamique.
Si la forme et la croissance sont équilibrées, on a un maintient du schéma faciale; si elles sont déséquilibrées ensemble ou séparément, on a une aggravation ou une amélioration du schéma facial.
ENLOW prend donc en compte le temps dans la notion de forme
4.5. DIBBETS
Concept : la "rotation contre-balançante"
La quantité de croissance du condyle est génétiquement déterminée mais sa direction peut compenser l'allongement de la taille de la diagonale mandibulaire.